Mémé Santilli  
 
"Tout est meilleur quand on partage"
 

Eloge funèbre pour ma mère
(Abbaye Saint-Martin d’Ainay, 1° Février 2011)

Bon, je vais essayer, mais je vous préviens : c’est plein d’fautes, mon truc.

J’étais Place Rouville, en train de me dire qu’on chante beaucoup, dans les églises... Et en descendant la rue de l’Annonciade – on habitait au 18 rue de l’Annonciade – je me suis demandé ce qu’on pourrait bien chanter de sincère, de vrai, pour ma mère.
L’Annonciade... ça a dû m’inspirer, parce que du coup j’ai revu mon père, dans son fauteuil de cuir marron, dans un nuage de Gauloises, qui fredonnait sa chanson préférée. C’était une chanson scandaleuse ; presque aussi scandaleuse que les Evangiles, quand ils ne sont pas noyés dans la mélasse. A l’époque, j’avais 8-10 ans et je ne me rendais pas compte qu’elle avait été écrite pour ma mère, cette chanson. J’sais pas si j’arriverai à la chanter aujourd’hui. Ça faisait…
-    Elle est à toi, cette chanson, toi l’hôtesse…
Non, j’y arriverai pas, mais c’est pas grave, vous la connaissez.

Et après avoir trouvé la bonne chanson pour ma mère, j’ me suis dit qu’il faudrait faire son éloge funèbre, parler de ses qualités… Du coup  je m’suis rappelé de son pire défaut : elle chantait faux. Elle chantait faux, ma mère, mais faux… A l’église, le Dimanche, les rares fois ou elle nous accompagnait, elle chantait d’une petite voix chevrotante, toujours au bord des larmes, et fausse… Moi, j’étais mort de rire ! En dedans, pas en dehors, parce que les gosses, ça a peur des baffes, même à l’église… Mais aujourd’hui, j’me dis qu’y a pas d’quoi rire, parce que je pense à la chanson de ma mère. Ça faisait…
-    Toi qui m’ouvris ta huche quand…

J’y arriverai pas. C’est qu’elle y allait pas souvent, à la messe du Dimanche. C’est pas qu’elle aimait pas ça, au contraire, mais elle avait un mari et 5 enfants... C’était avant la télé, Dieu merci, mais c’était aussi avant la machine à laver… Et le Dimanche, comme tous les jours, sa messe, son credo, sa prière, sa chanson, c’était de laver à la main toutes nos affaires, et de préparer des tas de choses pour le repas parce qu’elle avait toujours peur qu’on meurt de faim, ma mère. Et c’est pour ça qu’je pense à sa chanson. Ça faisait…
-    Ce n’était rien, qu’un peu de pain…

Si j’y arrive pas, c’est à cause de l’odeur de javel. Ça sent bon, l’eau d’ Javel ; c’est le parfum des mains de ma mère. Ça sent bien plus mieux que l’encens, l’eau d’ Javel. Ouais, je sais ; y faut pas dire « ça sent bien plus mieux », y faut dire « ça sent meilleur », mais moi aujourd’hui j’ai dix ans, et je sais, et je vous dis que l’eau de Javel, ça sent bien plus mieux que l’encens, c’est plus spirituel, c’est comme la voix de ma mère : elle chantait faux, mais on sentait que c’était du vrai. Pas comme ceux qui chantent dans les églises avec une belle voix et qui ne pourront jamais comprendre vraiment la chanson de ma mère. Mais je sais aussi qu’aujourd’hui, pour ma mère, tout le monde chante vrai, donc je vous demande de la terminer avec moi, la chanson de ma mère, parce que sans vous, j’y arriverai pas. Ça faisait…
Toi, l’hôtesse quand tu mourras,
quand le croque-mort t’emportera,
qu’il te conduise à travers ciel,
au Père Eternel.

Ciao mamma.

J. S.
Commencé Place Rouville et terminé chez mon pote Christian, qui aimait bien ma mère. Merci Chris!

... ... ...

Post Scriptum.
Curieuse coincidence : l’article suivant a été publié par Le Monde, le 24 mars 2011 (Site internet)

QUAND LE CROQU’MORT… - L’Auvergnat est mort

Toi l’étranger quand tu mourras / Quand le croqu’mort t’emportera / Qu’il te conduise à travers ciel/ Au père éternel”, les dernières paroles de Chanson pour l’Auvergnat, de Georges Brassens, ont des accents funèbres aujourd’hui. La Montagne annonce la mort de Louis Cambon, l’Auvergnat à qui Georges Brassens aurait dédié cette chanson en 1954.
L’homme est mort à Raulhac, dans le Cantal à l’âge de 95 ans précise le journal. C’est dans le “Bar des amis”, troquet du quatorzième arrondissement de Paris que les deux hommes se seraient rencontrés raconte Sud-Ouest. Louis Cambon, tenancier du bar, décrivait les habitudes de Georges Brassens dans une interview accordée à La Montagne en 1998 : il  “s’installait à un coin du comptoir et ne disait mot”.
L’Auvergnat “fournissait aussi au chanteur de quoi se chauffer, alors que l’artiste était dans une situation financière difficile à l’époque,” explique le journal. L’Auvergnat lui donnait donc “quatre bouts de bois/ Quand dans [sa] vie il faisait froid”.